24 avril 2019

Quelques rappels utiles sur l’appréciation de l’originalité d’une oeuvre en droit d’auteur et sur la preuve du préjudice en matière de concurrence déloyale

Dans un arrêt du 10 avril 2019, la Cour de cassation a rappelé deux principes bien établis sur l’appréciation de l’originalité d’une œuvre en droit d’auteur et sur la preuve du préjudice en matière de concurrence déloyale et parasitaire. Cette affaire opposait Universal Music France à Mondadori Magazines France, dans un litige de contrefaçon de droit d’auteur et de concurrence déloyale et parasitaire. La Cour a ainsi jugé que pour déterminer si une œuvre peut être protégée par le droit d’auteur, son originalité doit être appréciée dans son ensemble, au regard de la combinaison des différents éléments qui la composent, même si ces éléments sont banals. S’agissant du préjudice découlant d’actes de concurrence déloyale, les juges ont réaffirmé leur position en jugeant qu’un préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale. Explications :

Contrefaçon de droit d’auteur et concurrence déloyale : l’affaire Universal Music c. Mondadori

Dans cette affaire, la maison de disques Universal Music France reprochait à l’éditeur de presse Mondadori Magazines France d’avoir distribué en 2013 des pochettes de CD reproduisant les caractéristiques originales de ses propres pochettes de disques.

Universal Music France avait ainsi assigné Mondadori Magazines France en contrefaçon de droit d’auteur et en concurrence déloyale et parasitaire.

Après un jugement de première instance, l’affaire a été portée devant la Cour d’appel de Versailles. Cette dernière a débouté Universal Music France de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d’auteur. Elle l’a également déboutée de celles au titre de la réparation du préjudice subi en raison des actes de concurrence déloyale.

Universal Music France a alors formé un pourvoi en cassation.

Droit d’auteur : l’appréciation de l’originalité d’une oeuvre par la Cour de cassation

Sur le terrain du droit d’auteur, dans son arrêt du 24 novembre 2017, la Cour d’appel de Versailles avait considéré que l’originalité des pochettes d’Universal Music France n’était pas démontrée.

Elle avait en effet considéré que : « la typographie est banale, que l’indication du nom de l’artiste en lettres capitales jaune primaire, légèrement arrondies ‘ne témoigne d’aucune singularité artistique’, que la typographie joue sur l’alternance de couleurs plus ou moins vives et variées dont il résulte une impression de gaieté propre aux années ‘yéyé’, sans qu’aucun de ces éléments soit de nature à témoigner de l’empreinte de la personnalité de leur auteur, qu’il en est de même de l’emplacement des titres dans un bandeau horizontal, caractéristique des disques des années 60 et que cette absence d’originalité est confirmée par des spécimens d’autres pochettes de disques de ces années où l’on retrouve pareillement couleurs vives, bandeaux et décalage horizontal de certaines lettres ».

Par conséquent, la Cour d’appel avait débouté Universal Music France de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur.

Dans sa décision du 10 avril 2019, la Cour de cassation censure l’arrêt en rappelant que l’originalité :

« doit être appréciée dans son ensemble au regard de la combinaison des différents éléments, même banals ».

(Cass. 1e civ., 10 avril 2019, N°18-13612)

Elle applique ainsi de manière classique un principe constamment rappelé dans sa jurisprudence (cf. notamment : Cass. 1e civ., 12 septembre 2018, N°17-18390 ; Cass. 1e civ., 7 mars 2018, N°17-11905 ; Cass. 1e civ., 30 septembre 2015, N°14-11944).

Concurrence déloyale : la preuve du préjudice

Sur le terrain de la concurrence déloyale et parasitaire, la Cour d’appel de Versailles avait estimé qu’il existait un risque de confusion entre les pochettes en cause.

Cependant, elle a jugé que « la société Universal Music France ne justifie nullement que la commercialisation des pochettes litigieuses lui aurait causé un préjudice quelconque ».

Ainsi, elle a considéré que ses demandes de réparation étaient mal fondées.

Là encore, la Cour de cassation casse l’arrêt en rappelant que :

« Un préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale ».

Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation ayant affirmé ce principe, à notre connaissance sans discontinuer, depuis son arrêt du 22 octobre 1985 (Cass. com., 22 octobre 1985, N°83-15096 ; Cass. com., 14 juin 2000, N°98-10689 ; Cass. com., 28 septembre 2010, N°09-69272).

S’il n’apporte pas de solution nouvelle, l’arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2019 a toutefois le mérite de rappeler utilement des principes essentiels à la défense des créateurs et entreprises qui investissent dans la création.

Depuis 2011, les avocats d’Arénaire ont développé une solide expérience en droit d’auteur et en concurrence déloyale et parasitaire. Pour en savoir plus, contactez-nous.