Inspiration, plagiat et coïncidence fortuite : où est la limite ?
Inspiration, plagiat et coïncidence fortuite : où est la limite ?
L’affaire Katy Perry, dans laquelle la célèbre chanteuse a été condamnée cet été à payer, avec ses coauteurs, ses producteurs et son label Capitol Records, 2,78 millions de dollars pour contrefaçon de droits d’auteur, invite à revenir sur les frontières de la contrefaçon en matière musicale.
Et ce d’autant qu’elle s’inscrit dans une suite d’affaires qui ont eu un retentissement important aux États-Unis et que la Cour d’appel fédérale du 9ème circuit à San Francisco va devoir décider prochainement si la chanson « Stairway to Heaven » de Led Zeppelin constitue une contrefaçon.
Quelles sont les frontières entre l’inspiration et le plagiat ? La contrefaçon peut-elle être retenue en cas de reprise d’une simple ligne musicale ? La coïncidence fortuite permet-elle de s’exonérer de toute contrefaçon ? Des questions qui se posent de part et d’autre de l’Atlantique avec d’autant plus d’acuité que les créations musicales sont, volontairement ou non, inscrites dans un fonds commun musical. Certains compositeurs et juristes spécialisés en propriété intellectuelle considèrent même que certaines affaires de contrefaçon pénalisent la composition en permettant l’appropriation d’éléments musicaux génériques, comme les rythmes et l’émotion (« feel ») qui peut se dégager d’une chanson (Ben Sisario, Katy Perry Loses Copyright Battle Over ‘Dark Horse’, New-York Times, 29 juillet 2019).
Les enjeux financiers peuvent également être considérables, en particulier aux Etats-Unis, comme le démontre notamment la récente affaire Katy Perry.
L’affaire Katy Perry – une coïncidence fortuite ?
Le 29 juillet 2019, un jury du Tribunal fédéral de Los Angeles a reconnu la chanteuse Katy Perry, ses coauteurs, ses producteurs, ainsi que son label Capitol Records, coupables d’atteinte au droit d’auteur de Monsieur Marcus Gray, rappeur chrétien connu par certains sous le pseudonyme « Flame » (Nancy Coleman, Katy Perry’s Copyright Case May Sound Familiar to These Stars, New-York Times, 31 juillet 2019). Le jury a considéré que la chanson « Dark Horse », sortie par Katy Perry en 2013, copie la partie instrumentale de la chanson « Joyful Noise » de Flame sortie en 2008 (pour écouter les deux chansons, cf. l’article de Ben Sisario du New-York Times Katy Perry Loses Copyright Battle Over ‘Dark Horse’).
Pour tenter d’échapper au grief de contrefaçon, Katy Perry et son producteur Dr Luke ont notamment déclaré qu’ils n’avaient jamais entendu « Joyful Noise ». Leurs avocats ont également fait valoir que les deux chansons en cause n’avaient en commun que des motifs musicaux basiques non protégeables par le droit d’auteur.
Marcus Gray soutenait en revanche que si « Joyful Noise » était une chanson destinée à un marché de niche, elle avait rencontré suffisamment de succès – elle apparaissait sur un album nominé aux Grammys Awards pour le meilleur album rock ou rap gospel – pour que Katy Perry et son équipe aient pu l’entendre et que la chanson « Dark Horse » reprend une formule rythmique et mélodique répétitive – appelée ostinato – similaire à celle de “Joyful Noise” (Martin MACIAS JR, Katy Perry Copyright Infringement Trial Wraps Up, 25 juillet 2019). Les 9 membres du jury ont tranché en faveur du demandeur, en considérant que Katy Perry avait porté atteinte aux droits d’auteur de Marcus Gray (cf. article précité Katy Perry Loses Copyright Battle Over ‘Dark Horse’).
S’agissant du préjudice, le rappeur invoquait d’une certaine manière une atteinte à son droit moral. Il affirmait en effet que sa réputation d’artiste de gospel chrétien était ternie par l’imagerie anti-chrétienne et le paganisme évoqués par « Dark Horse », plus particulièrement dans sa vidéo (cf. article précité Katy Perry Loses Copyright Battle Over ‘Dark Horse’).
Le jury a quant à lui considéré que 22,5% des bénéfices réalisés par « Dark Horse » étaient attribuables à des parties de « Joyful Noise ». Les défendeurs ont ainsi été condamnés à verser à Monsieur Gray la somme totale de 2,78 millions de dollars, dont 550 000 dollars à la charge de la chanteuse.
Visiblement insatisfaite de ce lourd verdict, Katy Perry a toutefois décidé de faire appel et son avocate, Christine Lepera, a fait la déclaration suivante :
“The writers of Dark Horse view the verdicts as a travesty of justice. There is no infringement. There was no access of substantial similarity. The only thing in common is an unprotectable expression — evenly spaced ‘C’ and ‘B’ notes — repeated. People including musicologists from all over are expressing their dismay over this.
“We will continue to fight at all appropriate levels to rectify the injustice.” (Paul Resnikoff, Katy Perry’s Attorneys to Appeal the $2.78 MM ‘Dark Horse’ Verdict — ‘There Is No Infringement’, www.digitalmusicnews.com, 5 août 2019).
Au-delà de ce verdict, se pose de manière plus générale la question de savoir à partir de quel degré de similitudes la contrefaçon est caractérisée ou même si toute sorte de similitude peut déclencher cette qualification. D’aucuns craignent à cet égard qu’une interprétation trop large de la notion de contrefaçon pourrait créer un effet de « trolling » comme en matière de brevets (Paul Resnikoff, Head-Scratching Continues Following the Katy Perry Verdict — Does the Music Business Have a Copyright Trolling Problem?, www.digitalmusicnews.com, 30 juillet 2019).
Et ce d’autant que l’affaire Katy Perry n’est pas isolée.
L’affaire Robin Thicke et Pharell Williams
Cette affaire en rappelle en effet une autre, encore plus médiatisée, dans laquelle la chanson « Blurred Lines » du chanteur Robin Thicke et du producteur à succès Pharell Williams a été considérée comme une copie de la chanson « Got to Give It Up » sortie en mars 1977 par la légende de la Soul music Marvin Gaye.
En 2015, Robin Thicke et Pharrell Williams ont été condamnés à verser pas moins de 7,3 millions de dollars aux ayant-droits de Marvin Gaye, somme ramenée par la suite à 5,3 millions de dollars, soit l’une des plus importantes condamnations prononcées dans ce domaine. Cette condamnation a été confirmée par la Cour d’appel fédérale du 9ème circuit (pour accéder à la décision, cliquer ici).
« Got to Give It Up » étant une chanson bien connue du catalogue de Marvin Gaye, le succès mondial de « Blurred Lines » de Robin Thicke ne pouvait manifestement laisser les ayants-droit de Marvin Gaye sans réaction dès lors qu’il existe des similitudes entre les parties instrumentales des deux chansons, que le jury a d’ailleurs considérées comme évidentes (Nancy Coleman, Katy Perry’s Copyright Case May Sound Familiar to These Stars, New-York Times, 31 juillet 2019).
Dans l’arrêt d’appel, la Cour a rappelé que la chanson « Got To Give It Up », avec son rythme et mélodie disco funk, était numéro 1 du classement américain (Billboard Hot 100) en 1977 et qu’elle est toujours populaire aujourd’hui, ce qui est indéniable. La Cour a également relevé que la chanson « Blurred Lines » était le single le plus vendu au monde en 2013 (ladite décision, pp. 9-10). A cet égard, les défendeurs admettaient s’être inspirés de Marvin Gave et avoir eu accès à la chanson « Got To Give It Up » (ladite décision, pp. 9-13).
Il y avait toutefois un débat entre les experts pour déterminer les similitudes et savoir si elles étaient ou non substantielles.
La musicologue Judith Finell, experte des ayants-droit de Marvin Gaye, estimait qu’il existait une constellation de huit similitudes : la phrase signature, les « hooks », les « hooks » avec des chœurs, un thème X (quatre notes répétées dans les chœurs), les « hooks » de fond, des mélodies de basse, des parties de clavier et des choix inhabituels de percussions (ladite décision, p. 12).
Le Dr Ingrid Monson, professeur de musique afro-américaine à l’Université de Harvard et également experte des ayants-droit de Marvin Gaye, avait quant à elle fait trois « mash-ups » pour montrer la compatibilité mélodique et harmonique des deux chansons. Elle en déduisait que ces deux chansons présentaient des similitudes structurelles, notamment au niveau des phrases musicales (ladite décision, p. 13).
En revanche, la musicologue Sandy Wilbur, experte de Thicke et Williams, affirmait qu’il n’existait pas de similitudes substantielles entre les mélodies, rythmes, harmonies, structures et paroles (ladite décision, p. 12).
Sur le plan juridique, la Cour en a déduit que, dans la mesure où Williams et Thicke reconnaissaient avoir eu accès à l’œuvre première, la charge de la preuve des similitudes devait être allégée (ladite décision, p. 16). La Cour a également estimé que la liberté musicale était grande et que, par conséquent, la chanson « Got To Give It Up » bénéficiait d’un champ de protection large et qu’il n’était pas nécessaire de démontrer une quasi-identité des chansons pour conclure à une contrefaçon (ladite décision, pp. 19-20).
De plus, selon la Cour, dès lors que la preuve directe d’un acte de copie est difficile à rapporter, il est habituel de la démontrer par un faisceau d’indices comprenant l’accès à l’œuvre première et l’existence de similitudes substantielles. Il était donc suffisant selon la Cour de relever que Thicke et Williams avaient copié inconsciemment la chanson « Got To Give It Up » pour retenir la contrefaçon (ladite décision, p. 25).
Par ailleurs, la Cour a estimé dans la limite de son pouvoir juridictionnel, que la décision du jury ne pouvait être pas être critiquée utilement au cas présent, dans la mesure où il existait des éléments attestant de multiples similitudes, s’agissant notamment des phrases signature, des hooks, de la mélodie de basse, etc. (ladite décision, p. 35).
Enfin, s’agissant des dommages et intérêts, la Cour a également estimé que les dommages et intérêts alloués en première instance, au titre du préjudice et de la restitution des bénéfices, n’étaient pas fondés sur des raisonnements hypothétiques mais sur des usages du secteur (ladite décision, pp. 35-39).
Cette décision a suscité des interrogations et critiques dans la mesure où « Blurred Lines » ne constituait pas une copie servile de « Got to Give It Up ».
D’ailleurs, elle n’a pas été rendue à l’unanimité, l’un des trois juges, Mme Jacqueline NGUYEN, ayant rédigé une opinion dissidente très critique, estimant qu’il y aurait un manque de similitude d’ensemble et que cette décision risquerait d’entraver la créativité en matière musicale.
D’aucuns craignent en effet que cette décision ne déclenche une avalanche de procès et réclamations dès qu’un nouveau morceau présentera certaines similitudes avec une œuvre antérieure. C’est notamment ce qu’affirmait Ed McPherson, avocat à l’origine d’une protestation émise par un groupe d’artistes (What Marvin Gaye’s Attorney Thinks About the ‘Blurred Lines’ Copyright Verdict).
Certes, les condamnations prononcées sont importantes, toutefois, elles s’expliquent aussi par les revenus générés par les œuvres litigieuses. Par ailleurs, il faut sans doute éviter les généralisations sur la prétendue entrave à la liberté de création, les juridictions américaines ne retenant pas systématiquement la contrefaçon en cas de similitudes partielles. C’est ce qu’a montré, jusqu’à présent, l’affaire Led Zeppelin.
L’affaire Led Zepplin
En 2014, les membres du groupe légendaire de rock Led Zepplin, Jimmy Page et Robert Plant, ont été poursuivis pour contrefaçon de droits d’auteur par les ayants-droit de Randy California. Ces derniers considèrent que la chanson « Stairway To Heaven », sortie en 1971, constituerait une copie de la chanson « Taurus » composée par Randy California et interprétée par le groupe Spirit en 1968.
Toutefois, en 2016, un jury fédéral a écarté la contrefaçon de droit d’auteur, estimant que si Jimmy Page et Robert Plant avaient eu accès à l’œuvre antérieure, les deux chansons ne présentaient pas suffisamment de similitudes (Noah Gilbert and Ben Sisario, Led Zeppelin Did Not Steal ‘Stairway to Heaven,’ Jury Says, New-York Times, 23 juin 2016).
L’affaire n’a toutefois pas finie de faire parler d’elle, un appel ayant été formé devant la Cour d’appel fédérale du 9ème circuit (Ben Sisario, Original or Copied? ‘Stairway to Heaven’ Is Back in Court, New-York Times, 22 septembre 2019).
L’État fédéral américain est même, fait rare, intervenu dans cette affaire pour donner son opinion sur les principes à appliquer en matière de contrefaçon musicale, relevant que le droit d’auteur ne devrait pas en principe protéger des éléments trop basiques, pour ne pas brider la création (Tweet de Mme Regan Smith General Counsel @copyrightoffice du 16 août 2019). C’est dire l’importance et les enjeux que représentent les questions posées par cette affaire pour toute l’industrie musicale.
Le gouvernement américain rappelle ainsi que pour être protégeable par le droit d’auteur, une œuvre, ou une partie d’œuvre, doit être originale et avoir ainsi un degré minimum de créativité : “In the musical context, this means that standard elements such as arpeggios (i.e., notes of a chord played in sequence) or chromatic scales can never be independently protectable under copyright law […] Further, certain short musical phrases, even if novel, may not “possess more than a de minimis quantum of creativity” and thus may not be eligible for copyright protection” (Brief for the United States as amicus curiae in support of appellees, p. 20 ; pour y accéder, cliquer ici).
Il ajoute que si des arrangements musicaux peuvent être protégeables par le droit d’auteur, cela ne donne pas pour autant de droits sur les éléments basiques qui les composent (idem, pp. 21).
Ainsi, pour le gouvernement américain, au regard des faits de l’espèce, le jugement de première instance mériterait confirmation.
Une condamnation de Led Zepplin ferait assurément grand bruit sur la scène rock et au-delà. Il conviendra donc de suivre de très près les suites de cette affaire qui confirme les questions soulevées dans les litiges évoqués précédemment.
Interrogations et prospective
Au regard de cette succession d’affaires retentissantes, le Professeur Edward Lee de l’Université de Chicago-Kent considère que cette « tempête d’actions judiciaires » est troublante et se demande si nous assistons à une épidémie de plagiat par des artistes majeurs de la scène musicale. Il considère à cet égard que l’exception du « fair use » pourrait devenir un moyen de défense attractif dans les litiges de contrefaçon d’œuvres musicales, notamment dans des affaires comme l’affaire Katy Perry dans lesquelles le jury rejette la défense fondée sur l’argument de l’ignorance de l’œuvre première (« I never heard it defense »).
Le Professeur Lee se demande ainsi quelle aurait pu être l’issue de l’affaire Katy Perry si la chanteuse avait invoqué le « fair use » pour démontrer que sa chanson « Dark Horse » modifiait la partie instrumentale de « Joyful Noise » et lui donnait une nouvelle expression et un nouveau caractère, faisant d’une chanson religieuse une chanson romantique. Toutefois, le Professeur Lee reconnait que si la Cour suprême a admis l’exception du « fair use » en matière de parodie de chansons dans une affaire de 1994 concernant une parodie de la chanson « Oh Pretty Woman » de Roy Orbison, les juridictions américaines doivent encore déterminer ce qui constitue un « fair use » dans l’emprunt d’éléments d’une œuvre musicale au-delà des cas de parodie (Edward Lee, How Katy Perry could have won the ‘Dark Horse’ lawsuit, The Washington Post, 2 août 2019).
L’affaire Katy Perry démontre que les défendeurs continuent d’invoquer l’ignorance de l’œuvre première, avec visiblement peu de succès pour la chanteuse.
Des débats similaires ont pu se poser également en France.
L’affaire Calogero
Le 26 juin 2015, la Cour d’appel de Paris a condamné le chanteur Calogero à payer une somme de près de 60 000 euros pour contrefaçon partielle de droits d’auteur au motif que sa chanson « Si seulement je pouvais lui manquer » présentait des similitudes avec la chanson intitulée « Les chansons d’artistes » composée par Laurent Feriol.
Dans cette affaire, Calogero invoquait notamment l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de connaître l’œuvre première.
Il s’agit d’un moyen de défense souvent invoqué dans des affaires de contrefaçon de droit d’auteur devant les juridictions françaises. En effet, « il est parfois plus judicieux, en défense, de se prévaloir de l’exception dite de « rencontre fortuite » ou l’exception dite des « réminiscences issues de sources d’inspirations communes », qui permet d’écarter le grief de la contrefaçon sans avoir à contester l’originalité de l’œuvre prétendument contrefaite » (A. Fiévée, « Juridique – Contrefaçon d’une chanson : quel est l’argument clé en défense ? », Juris art etc. 2017, n°42, p.46).
Cette exception a été consacrée par la Cour de cassation dans son arrêt du 12 décembre 2000. Dans cette affaire, Guy Béart était accusé d’avoir repris le thème de l’œuvre « Jérusalem stones » de Guy Boyer. Pour écarter la contrefaçon, la Cour de cassation avait alors estimé que « les ressemblances entre ces deux œuvres provenaient de rencontres fortuites ou de réminiscences résultant notamment de leur source d’inspiration commune» (Cass. civ. 1re, 12 décembre 2000, n° 98-15228).
Dans l’affaire Calogero, la Cour d’appel n’a pas retenu cet argument et a relevé que le demandeur établissait que son œuvre avait donné lieu à des représentations publiques et qu’elle avait été soumise aux milieux professionnels et notamment à la société Universal music, en sorte que sa divulgation était certaine. Ce raisonnement est assez proche du raisonnement suivi par le jury dans l’affaire Katy Perry.
La Cour d’appel de Paris a ainsi estimé que Calogero n’établissait pas l’impossibilité dans laquelle il se serait trouvé d’avoir eu accès à la chanson « Les chansons d’artistes » et que les œuvres en présence ne procédaient pas de réminiscences communes.
Calogero et son label ont formé un pourvoi en cassation, en soutenant notamment que l’exception de rencontre fortuite invoquée par le défendeur à l’action en contrefaçon doit être accueillie lorsque l’œuvre première en date n’a pas fait l’objet d’une divulgation certaine.
La Cour de cassation n’a pas accueilli ce moyen et a validé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris aux motifs que :
- « il incombe à celui qui, poursuivi en contrefaçon, soutient que les similitudes constatées entre l’oeuvre dont il déclare être l’auteur et celle qui lui est opposée, procèdent d’une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune, d’en justifier par la production de tous éléments utiles ;
- en l’espèce, l’auteur de l’œuvre première « établissait que son œuvre avait donné lieu à des représentations publiques et qu’elle avait été soumise aux milieux professionnels et notamment à la société Universal music, en sorte que sa divulgation était certaine » ( civ. 1re, 3 novembre 2016, pourvois n°15-24.407 et 15-25.200).
La Cour de cassation précise ainsi qu’il revient au défendeur d’établir sa bonne foi et de rapporter la preuve de la rencontre fortuite ou de l’existence de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune, ce qui n’est pas toujours chose aisée (A. Fiévée, « Juridique – Contrefaçon d’une chanson : quel est l’argument clé en défense ? », Juris art etc. 2017, n°42, p.46).
En conclusion, on peut relever que le moyen de défense de la rencontre fortuite est souvent invoqué de part et d’autre de l’Atlantique – mais pas toujours retenu et difficile à démontrer dès lors que l’œuvre antérieure a eu une certaine diffusion.
S’agissant de l’appréciation des similitudes, il existe des débats sur le degré de similitude exigé, en particulier aux Etats-Unis. En France, en principe, lorsqu’il y a reprise même partielle d’éléments originaux (rythme, ligne mélodique, etc.), la contrefaçon doit être retenue, en vertu de l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle. En effet, ce texte sanctionne non seulement la reproduction mais également l’adaptation et la transformation d’une œuvre antérieure.
On peut enfin constater que les sommes allouées par les juridictions américaines dans les affaires précitées sont sans commune mesure avec celles obtenues par les demandeurs devant les juridictions françaises, ce qui peut s’expliquer par le succès des œuvres contrefaisantes concernées dans les affaires américaines tant sur le marché américain qu’au niveau mondial et donc sur une différence d’assiettes permettant la réparation des préjudices.
Louis Louembé & Pierre Massot