9 octobre 2020

Une marque correspondant à un nom de couleur n’est pas nécessairement descriptive !

Peut-on déposer une marque correspondant à un nom de couleur ? Par exemple, le dépôt d’une marque composée du mot « bleu » ou « rouge » serait-il validé ? Une telle marque doit-elle être considérée comme descriptive ? C’est la question à laquelle le Tribunal de l’Union européenne a répondu dans un arrêt du 25 juin 2020. Dans cette affaire, la marque litigieuse était composée du mot « OFF-WHITE », apposé sur un cartouche de couleur noire. « OFF-WHITE » est une expression en anglais qui, dans une de ses significations, renvoie à une nuance de couleur : blanc cassé. Le Tribunal a considéré que cette marque composée d’un nom de couleur n’était pas nécessairement descriptive. Explications :

Marque OFF-WHITE : les faits et la procédure

Histoire et dépôt de la marque OFF-WHITE

Le créateur américain Virgil Abloh, dont le compte Instagram est suivi par plus 5 millions d’abonnés, est considéré par le Time comme l’un des créateurs les plus influents de la planète. En 2013, il a créé une société dénommée OFF-WHITE (« blanc cassé » en anglais). Celle-ci s’est rapidement fait connaître pour ses créations streetwear haut de gamme.

Le 17 octobre 2017, la société OFF-WHITE a déposé une demande d’enregistrement de marque de l’UE pour le signe suivant :

Marque nom de couleur Off White jugée non descriptive

Cette demande visait la désignation de plusieurs produits, notamment :

  • des parfums et cosmétiques en classe 3 ;
  • des lunettes, lunettes de soleil, sacs pour ordinateurs, coques de téléphone en classe 9 ;
  • des bijoux, montres et pierres précieuses et semi-précieuses en classe 14 ;
  • des coussins, lits et meubles en classe 20.

La marque composée d’un nom de couleur est refusée à l’enregistrement

L’EUIPO a partiellement rejeté la demande pour les produits des classes 9, 14 et 20, considérant que le signe était dénué de distinctivité pour ces produits désignés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Cet article énonce en effet que :

« Sont refusées à l’enregistrement :

(…)

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ; (…) »

Le 14 décembre 2018, ce refus a été confirmé par la 2e Chambre de recours de l’EUIPO pour tous les produits des classes 9 et 20 et une partie de ceux de la classe 14, au motif que le terme « OFF-WHITE » serait descriptif.

Selon la chambre de recours, ce terme « renvoyait à l’aspect visuel desdits produits » et de « toute évidence, il serait perçu comme une référence descriptive de la couleur de ces derniers » (§ 7).

Les éléments figuratifs (le cartouche noir) ont quant à eux été jugés trop simples et décoratifs pour détourner l’attention du public du message purement descriptif de l’élément verbal qu’ils venaient compléter.

Le déposant a alors formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne.

Validité d’une marque correspondant à un nom de couleur : la décision du TUE

Dans une décision du 25 juin 2020, le TUE a considéré que si l’expression « OFF-WHITE » renvoie bien à la couleur blanc cassé pour le public anglophone, elle n’est pas pour autant descriptive des produits en cause.

En effet, pour le Tribunal, une couleur ne peut être considérée comme une caractéristique d’un produit que si elle constitue une :

« caractéristique objective et inhérente à la nature des produits en cause, ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ces produits » (§ 43).

Or, selon le Tribunal, tel n’est pas le cas en l’espèce. Il indique que :

« si le blanc cassé correspond, ainsi que le reconnaît la requérante, à une des possibles déclinaisons chromatiques que peuvent revêtir ces produits, elle n’en constitue toutefois pas la couleur unique ni même prépondérante. En effet, cette couleur ne se présente que comme un aspect purement accidentel et contingent que peut revêtir seulement une fraction desdits produits le cas échéant et, en tout état de cause, sans présenter aucun rapport direct et immédiat avec leur nature. Ainsi, le simple fait que les produits en cause soient disponibles en couleur blanc cassé, de façon plus ou moins habituelle et parmi d’autres couleurs, ne saurait avoir d’incidence, dès lors qu’il n’est pas “ raisonnable ”, au sens de la jurisprudence rappelée au point 36 ci-dessus, d’envisager que, de ce simple fait, cette couleur sera effectivement reconnue par le public pertinent comme une description d’une caractéristique intrinsèque et inhérente à la nature de ces produits » (§ 45).

Cette solution, pour étonnante qu’elle puisse paraître de prime abord, n’est pas nouvelle. Le TUE avait en effet rendu une décision en ce sens l’année dernière (Fissler v EUIPO, T-423/18, 7 mai 2019). Pour plus de détail, nous vous renvoyons à l’analyse de Pierre Massot, parue dans la rubrique Current Intelligence du Journal of Intellectual Property Law & Practice de l’Université d’Oxford.

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