18 février 2021

Sanction pénale de la contrefaçon et cumul de qualifications

Le juge pénal peut-il condamner cumulativement sur les fondements des délits de détention de marchandises contrefaisantes, et d’offre à la vente et vente de marchandises contrefaisantes ? C’est la question à laquelle la Chambre criminelle de la Cour de cassation a répondu, dans un arrêt du 5 janvier 2021 (20-80.390). Appliquant le principe Ne bis in idem, les juges cassent l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et apportent un éclairage intéressant sur la sanction pénale de la contrefaçon et sur le cumul de qualifications.

Sanction pénale de la contrefaçon : application du principe Ne bis in idem

C’est sur le fondement du principe Ne bis in idem que la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a cassé l’arrêt attaqué. La Cour d’appel avait condamné, cumulativement, sur les fondements des délits de détention de marchandises contrefaisantes, et d’offre à la vente et de vente de marchandises contrefaisantes. La Chambre criminelle reproche aux juges du fond de ne pas avoir constaté l’existence d’actes matériels distincts.

Dans cette affaire, les poursuites du chef de détention, d’une part, et d’offre à la vente et de vente, d’autre part, reposaient sur la saisie d’un seul et même stock de marchandises contrefaisantes. 

Le condamné avait formé un pourvoi et soutenait qu’un acte matériel unique ne pouvait pas donner lieu à deux qualifications cumulatives, dès lors que l’offre à la vente et la vente supposent la détention et qu’il n’existait qu’une seule intention coupable.

La Chambre criminelle fait droit au pourvoi et juge que « Des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ».

La solution est conforme aux principes régissant les concours de qualifications en droit pénal. Elle impose à la partie poursuivante de veiller à rattacher chacun des délits pénaux de contrefaçon, objets de la prévention, à des actes matériels distincts.

Cassation de la condamnation au titre du délit douanier de contrefaçon

La cassation a cependant une conséquence inattendue en l’espèce.

Le pourvoi portait sur le délit pénal de contrefaçon (et lui seul). Mais la cassation au titre du délit pénal de contrefaçon entraine, en outre, la cassation de la condamnation au titre du délit douanier de contrefaçon.

La Cour de cassation juge en effet que « la cassation portera sur toutes les dispositions de l’arrêt, en raison du lien étroit unissant les infractions au code de la propriété intellectuelle et au code des douanes ».

La question du cumul des condamnations au titre du délit pénal de contrefaçon et du délit douanier de contrefaçon n’était pas posée par le pourvoi et, en droit, elle ne se pose pas (ou plus). On sait en effet que les juges peuvent condamner cumulativement sur le fondement de ces deux délits, au titre d’un acte matériel identique, car ils protègent chacun des intérêts distincts.

La jurisprudence constante considère que le délit douanier protège les intérêts fiscaux de l’État et l’intérêt général. Le délit pénal de contrefaçon protège quant à lui un intérêt privé reposant sur un droit privatif incorporel. Cela permet de les retenir cumulativement pour sanctionner un seul et même acte matériel. (cf. sur ce point, T. Lentini et P. Massot, JurisClasseur, Fasc. 7531, Les douanes et la contrefaçon, Les pouvoirs des douanes en matière de lutte contre la contrefaçon et les procédures engagées à la suite de l’intervention des douanes, 231 et suivant ; Cass. crim., 17 janv. 2018, n° 16-85.951 : PIBD 2018, n° 1089, III, p. 158. – Cass. crim., 17 juin 2015, n° 14-80.019 : JurisData n° 2015-014548 ; PIBD 2015, n° 1034, III, p. 585. – Cass. crim., 11 juin 2008, n° 07-83.024).

Il est vrai cependant que délit pénal de contrefaçon et délit douanier de contrefaçon sont intimement liés.

La cassation ouvre ici au prévenu la possibilité de faire réexaminer la totalité de son affaire par la Cour d’appel, alors que la condamnation au titre du délit douanier n’a pas été censurée pour elle-même par la Cour de cassation.

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