16 octobre 2020

L’étincelle créative ou l’approche américaine du seuil d’originalité requis en droit d’auteur aux États-Unis

Le 6 octobre 2020, le Review Board of the United States Copyright Office (« Board ») a rendu une intéressante décision sur le seuil d’originalité et de créativité requis en matière de droit d’auteur. Il apporte des précisions sur la notion d’étincelle créative et sur l’appréciation de l’originalité d’une combinaison d’éléments connus. Cette décision confirme les critères de protection par le droit d’auteur aux États-Unis.

Les faits : la demande d’enregistrement d’un bracelet

Le 8 août 2018, la société SNC Ventures, LLC (« SNC ») a sollicité l’enregistrement auprès de l’US Copyright Office du modèle de bracelet reproduit ci-après et décrit de la manière suivante :

« a single band gold bracelet with a spiral design that twists around the center-back, an inverted laurel leaf closure, and a circular charm engraved with the SNC’s brand name, ‘Kinsley Armelle’ ».

Droit d'auteur aux États-Unis bracelet

Œuvre revendiquée intitulée « Laurel Leaf Bracelet »

L’originalité : critère de protection par le droit d’auteur aux États-Unis

Dans sa décision, le Board rappelle dans un premier temps qu’une œuvre peut être enregistrée si elle est originale :

« A work may be registered if it qualifies as an « original work […] of authorship fixed in any tangible medium of expression. » 17 U.S.C. § 102(a). In this context, the terme « original » consists of two components: independant creation and sufficient creativity« .

L’étincelle créative

Le Board précise ensuite, conformément à la jurisprudence Feist, qu’il faut démontrer un minimum d’originalité, “une étincelle de créativité” pour reprendre la belle expression des juges de la Cour Suprême américaine :

 “(i) the work must have been independently created by the author, i.e., not copied from another work. (ii) the work must possess sufficient creativity. Only a modicum of creativity is necessary, but the Supreme Court has ruled that some works (such as the alphabetized telephone directory at issue in Feist) fail to meet even this low threshold. The Court observed that “[a]s a constitutional matter, copyright protects only those constituent elements of a work that possess more than a de minimis quantum of creativity”. It further found that there can be no copyright in a work in which “the creative spark is utterly lacking or so trivial as to be virtually nonexistent ”.

L’appréciation de l’originalité d’une combinaison d’éléments connus

À cet égard, s’il est admis, comme en France, qu’une combinaison d’éléments connus peut être originale, le Board précise qu’il est tout aussi constant que toute combinaison d’éléments connus n’est pas pour autant originale :

Some combinations of common or standard design elements may contain sufficient creativity with respect to how they are juxtaposed or arranged to support a copyright. Nevertheless, not every combination or arrangement will be sufficient to meet this test. See Feist, 499 U.S. at 358 (finding the Copyright Act “implies that some ‘ways’ [of selecting, coordinating, or arranging uncopyrightable material] will trigger copyright, but that others will not”). A determination of copyrightability in the combination of standard design elements depends on whether the selection, coordination, or arrangement is done in such a way as to result in copyrightable authorship. Id.; see also Atari Games Corp. v. Oman, 888 F.2d 878 (D.C. Cir. 1989). A mere simplistic arrangement of non-protectable elements does not demonstrate the level of creativity necessary to warrant protection”.

L’examen de l’originalité du bracelet litigieux

Appliquant ces principes, le Board estime au cas présent que le bracelet dont l’enregistrement est demandé ne présente pas l’« étincelle créative » nécessaire et ne constitue qu’une variation de bracelets préexistants de même style :

“After carefully reviewing the Work overall, the Board finds that it is not sufficiently creative to support registration. The Work merely consists of a standard cuff style bracelet design with a single symmetrical laurel leaf at the opening, a typical symmetrical spiral ring on the back of the bracelet, and a simple circular charm. The combination of these elements in this jewelry design is commonplace and expected in jewelry designs, and, therefore, does not rise to the level of sufficient creativity for copyright protection. At best, the Work here amounts to a minor variation of a standard bracelet, but such a trivial variation does not inject a sufficient amount of creativity into the uncopyrightable design, nor does not differ from unprotectable scenes a faire”.

***

Cette décision vient confirmer qu’une combinaison d’éléments connus peut bénéficier du droit d’auteur si elle est originale. Elle ne sera protégeable que si elle dépasse un certain seuil de créativité, sans pour autant constituer une simple variation de style, ce qui sera apprécié au cas par cas.

Ce raisonnement est assez similaire à ce que retiennent habituellement les juges français : une combinaison d’éléments connus peut être originale si elle révèle une créativité suffisante (voir par ex. CA Paris, pôle 5, 12 févr. 2016, n° 15/13594) ; toutefois, toute combinaison nouvelle d’éléments connus n’est pas nécessairement protégeable (CA Paris, pôle 5, 29 nov. 2013, n° 12/16248).

Parce que l’exploitation des créations n’a pas de frontières, les critères de protection par le droit d’auteur à l’étranger sont essentiels. Les experts du cabinet Arénaire suivent assidûment l’évolution du droit, en France et à l’étranger. Besoin de conseil et d’assistance en matière de droit d’auteur ? Contactez les avocats du cabinet.