27 mars 2021

Délit Douanier de Contrebande et Présomption de Mauvaise Foi

Le droit douanier comporte un certain nombre de spécificités au nombre desquelles figure la présomption de mauvaise foi du prévenu. Il ne peut en effet être relaxé qu’en apportant la preuve de sa bonne foi. Mais comment le prévenu peut-il apporter la preuve de sa bonne foi ? Comment la présomption de mauvaise foi peut-elle être renversée pour établir l’absence de l’élément moral du délit douanier ? Dans un arrêt du 17 février 2021 (20-81.282), la Chambre criminelle de la Cour de cassation confirme sa position traditionnelle et la difficulté de combattre la présomption de mauvaise foi en matière douanière.

Les critères : l’absence d’intention et la preuve des diligences accomplies

La preuve de la bonne foi est extrêmement difficile à rapporter dans le cadre d’infractions douanières. En pratique, il revient au prévenu de démontrer cumulativement :

  • son absence d’intention ;
  • l’accomplissement de diligences permettant de s’assurer de la régularité des marchandises transportées. 

Sur ce point, consulter le JurisClasseur, Fasc. 7531, T. Lentini et P. Massot : Les douanes et la contrefaçon, Les pouvoirs des douanes en matière de lutte contre la contrefaçon et les procédures engagées à la suite de l’intervention des douanes, 154.

L’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 17 février 2021 est une parfaite illustration de cette extrême difficulté.

Une cour d’appel avait relaxé le passager d’un véhicule dans lequel des stupéfiants avaient été découverts. Pour relaxer du délit douanier d’importation en contrebande de marchandises prohibées, la cour d’appel avait estimé que l’intention délictueuse n’était pas établie. Elle a fondé sa décision sur les motifs suivants :

  • le prévenu était mis hors de cause par son coprévenu ;
  • ses déclarations sur les circonstances de son voyage était confirmées par l’enquête ;
  • il n’avait pas eu de contact téléphonique avec « le chef » en cours de voyage ;
  • les stupéfiants avaient été chargés avant son arrivée ;
  • il ne pouvait être fait grief au prévenu, non initié au trafic de stupéfiants, d’avoir manqué de lucidité sur les comportements suspects du conducteur et de son chef, s’agissant de son unique voyage.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge que les motifs retenus sont inopérants et qu’ils ne permettent pas d’établir la bonne foi du prévenu : « en statuant ainsi, par des motifs inopérants tenant à l’absence d’intention délictueuse, sans relever que le prévenu eût établi sa bonne foi en rapportant la preuve des diligences effectuées pour s’assurer de la nature des marchandises transportées, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

D’un point de vue pratique, on se demande toutefois comment celui dont on relève qu’il ne pouvait pas avoir de soupçon sur le comportement suspect du conducteur aurait dû être conduit à vérifier des marchandises sur lesquelles il ne pouvait avoir aucun soupçon.

La présomption de mauvaise foi en matière de délit douanier : confirmation de la position traditionnelle de la Cour de cassation

Cette décision, publiée au bulletin, s’inscrit dans la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation concernant la caractérisation de l’élément moral des délits douaniers. Elle peut être rapprochée d’un autre arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendue, sur le même sujet, le 4 mars 2020, dans une affaire de contrebande de marchandises contrefaisantes.

La cour d’appel avait relaxé le chauffeur d’un camion dont le chargement contenait des contrefaçons. Pour motiver la relaxe, elle avait relevé que :

  • le prévenu n’était qu’un simple salarié du transporteur ;
  • qu’il s’était borné à effectuer le transport ;
  • qu’il lui était matériellement impossible de vérifier la nature de la marchandise transportée, ne pouvant que vérifier le nombre de cartons et leur conformité par rapport aux lettres de voiture.

La Cour de cassation casse l’arrêt au motif que la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et qu’elle n’a pas relevé que le prévenu établissait sa bonne foi en rapportant la preuve des diligences effectuées pour s’assurer de la nature des marchandises transportées (Cass. crim. 4 mars 2020, 19-80.171).

Il est donc très difficile de combattre la présomption de mauvaise en matière de délit douanier. Reste à souhaiter à chacun de ne pas se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment

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