11 mai 2020

BAD SPANIELS vs JACK DANIELS : très drôle sauf pour le titulaire de la marque…

En 2018, la société américaine VIP Products a eu l’idée de lancer un jouet pour chien évoquant une bouteille de JACK DANIELS n°7…

Très drôle, sauf évidemment pour le titulaire de la marque JACK DANIELS qui a mis en demeure VIP Products de cesser la commercialisation de son produit. VIP Products a alors engagé une action en déclaration de non-contrefaçon.

Le 29 janvier 2018, la District Court of Arizona a estimé que VIP Products avait porté atteinte aux droits de marque de JACK DANIELS et prononcé une injonction de cesser les faits litigieux.

VIP Products a toutefois interjeté appel et, dans une décision du 31 mars dernier, la Cour d’appel US du 9ème circuit a estimé que le jouet pour chien « Bad Spaniels » est, « bien que n’étant sûrement pas l’équivalent de Mona Lisa », une œuvre expressive (« expressive work ») couverte par le 1er amendement de la Constitution américaine, ce qui implique d’apprécier la contrefaçon selon d’autres critères (connus sous le nom « Rogers Test »).

L’affaire a ainsi été renvoyée devant la District Court pour vérifier si, en dépit de la qualification d’ « expressive work », l’atteinte aux droits de marque de JACK DANIELS peut néanmoins être retenue. Toutefois, dès lors que le jouet en cause entre dans le champ de la liberté d’expression, les conditions pour caractériser l’atteinte aux droits de marques apparaissent plus difficiles à remplir aux USA comme le relève Thomas Key.

De quoi réjouir nos amis canidés qui vont peut-être pouvoir jouer avec des bouteilles évoquant celles de Jack Daniels.

Aux USA à tout le moins car l’affaire se présenterait probablement sous un autre jour au sein de l’UE.

En droit européen, pour caractériser une atteinte à une marque renommée, il faut démontrer l’existence d’une similitude (évidente ici), d’un lien (difficile à contester en l’espèce) ainsi que d’une des trois atteintes suivantes : (i) dilution (ii) dégradation d’image ou (iii) profit indu.

Si depuis l’arrêt Intel, la dilution est difficile à démontrer en pratique (il faut prouver qu’il existe un risque de modification du comportement de la clientèle), la dégradation d’image (« tarnishment ») est plus facile à caractériser dans certaines situations,

  • par exemple lorsque le signe litigieux ternit l’image de la marque renommée du fait d’une association avec des produits ou services peu glamours (cf. la fameuse aff. Claeryn, citée not. par AG JACOBS, où la marque de gin néerlandaise était associée à des détergents portant un nom très similaire)
  • ou lorsque le signe litigieux, en lui-même, véhicule des valeurs contraires à celle de la marque renommée (cf. par ex. EUIPO, 11 janvier 2017, aff. « Drinkopoly » : “the public associates the MONOPOLY mark with a wholesome family game that is mainly aimed to children, and this image would suffer if another similar mark resembling the MONOPOLY mark evokes unhealthy costumes and encourages alcohol consumption. The opposition Division agrees with the opponent in that these characteristics are contrary to the image of the opponent’s mark and that would diminish its power of attractiveness”).

Le profit indu est quant à lui caractérisé en cas de transfert d’image de la marque renommée sur le signe litigieux. A titre d’exemple, le 6 février 2020, la division d’annulation de l’EUIPO a considéré que le dépôt du signe semi-figuratif suivant (« Jack Strong ») risquait de tirer indûment profit de la marque UE « Jack Daniels » :

Selon l’EUIPO, « the image of the ‘Jack Daniel’s’ brand would be transferred to the contested mark and may lead to free-riding, that is to say, it would take unfair advantage of the well-established reputation of the trade mark and the investments undertaken by the opponent to achieve that reputation ».

Dans ce contexte juridique, il n’est donc pas certain que nous pourrons voir des canidés avec des bouteilles de Bad Spaniels prochainement en Europe…!

Lot de consolation pour JACK DANIELS dans l’affaire US, la Cour d’appel du 9ème  circuit a considéré que sa marque tridimensionnelle US n°4106178 est valable car la combinaison d’éléments qui la compose (avec en petits caractères le nom Jacks Daniels) n’est pas fonctionnelle ou dénuée de distinctivité :